QUELQUES SOUVENIRS D'ENFANCE DE JEAN YOLE (LÉOPOLD-MARIE-FIDÈLE ROBERT) .----. C'est à Soullans que, le 7 septembre 1878, Jean Yole est né. Son père, maître-artisan, était venu s'y fixer pour construire un beffroi. C'était un solitaire et un méditatif ; peu disposé aux conseils, il s'imposait par son exemple. Un portrait de Charles Milcendeau, - ce grand peintre, ce merveilleux voyant, Soullandais lui aussi, - un portrait tout baigné d'émotion religieuse nous restitue la sereine physionomie de la mère de l'écrivain : amène et sainte femme, comme son mari de vieille souche vendéenne, mère accomplie dont la joie illuminante avait pour secret une vie intérieure que ne connaissent plus guère les générations nouvelles. Six enfants peuplaient l'heureux foyer : deux fils se firent prêtres, un autre mourut en bas-âge ; les deux filles entrèrent en religion et devinrent éducatrices. Le futur écrivain bénéficia, on le voit, d'un climat privilégié pour sa formation première. L'église, la maison, l'atelier, la terre, furent avec ses parents ses premiers maîtres.
Tout petit, il accompagnait sa mère au chemin de croix qu'elle faisait, chaque matin, avant la messe et, un peu effrayé par l'obscurité de l'église, il suivait de très près cette maman, en la tenant par le coin de son tablier mérinos. A la maison il aimait sauter sur les genoux des ouvriers quand ils venaient, le dimanche matin, toucher leur salaire de la semaine. Il s'intéressait aux travaux du journalier, le suivait au jardin, dans les vignes et dans les prés dépendant d'une exploitation agricole à laquelle tenait beaucoup sa grand'mère maternelle, née au Perrier.
Mais peu de bonheurs comptaient plus pour lui que la visite des quatre ou cinq Maraîchins qui venaient, soit à la Saint-Michel porter le canard de la redevance, soit à Noël payer leurs fermages de prés-marais. On imagine aisément les veillées familiales, au cours desquelles se déroulaient, à la chanson du feu de bois, d'interminables histoires de braconnages (l'inondation condamne là-bas à des loisirs forcés qu'il faut bien occuper) et d'exaltants récits fait par la grand'mère. Passionnément blanche, cette dernière était jeune encore lors de la fameuse équipée de la duchesse de Berry. Son père PIERRE SYRA (ou CYRAS) (ce nom inattendu serait pour confirmer, avec tant d'autres, l'existence de colonies ibériennes sur nos côtes), avait fait le coup de feu en 1815 ; son nom figurait sur la liste de ceux qui, plus royalistes que le roi, reçurent l'ordre, au second retour de Louis XVIII, d'aller se faire désarmer aux Sables-d'Olonne ; sous Louis-Philippe, il avait caché les "réfractaires" ; grand chasseur, il les nourrissait de son gibier quand les gendarmes battaient les rives, et les "yolait" aux rives de Soullans quand les gendarmes prenaient le Marais. Propagandiste plein de foi et de zèle, Pierre Syra s'était fait le distributeur d'images naïves représentant "la duchesse de Berry et de son fils Henri V". ... [ extrait : Revue Études - 74e année - Tome 230 - Janvier - Février - Mars 1937 ]
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La Maraîchine Normande . - 06/11/2019
Les Démarqués . .----. Une famille paysanne du Marais vendéen quitte son pays pour aller s'installer en Gascogne . Trouvant la vie matériellement plus facile dans le Midi, et pour mieux se fondre à la population gasconne, les Vendéens essaient de se "démarquer" de leurs origines en abandonnant leurs costumes, puis leurs coutumes, leurs traditions, leurs croyances... Dès lors, sans attache, sans points d'appui, ils s'abandonnent à toutes les influences . Cela leur fait perdre fierté et joie de vivre, puis les conduit aux reniements, à la dégradation, au malheur .
Seule, l'aïeule - soutenue par ses solides convictions religieuses - et son fils aîné luttent contre la lâche attitude des démarqués .
Les caractères sont très véridiques mais l'auteur ne ménage pas ceux qu'il considère, dans son patriotisme vendéen, comme des traîtres ! Malgré un parti pris un peu anti-gascon, ceux qui aiment la campagne apprécieront tout particulièrement les courtes descriptions de deux pays fort différents . Leur auteur, tout comme Pourrat, son contemporain et ami, sait chanter la terre .
La couverture est jolie mais l'intérieur a un côté un peu grave . Cependant, la simplicité du ton, la succession des péripéties rendent ce livre facile à lire, et le problème qu'il évoque, celui des déracinés, est toujours actuel .
Lecteurs sérieux à partir de 17 ans . [ Note rédigée à partir de l'édition en 1972 de ce seul texte aux éditions du Cercle d'Or - " Plaisir de Lire " , numéro 27 , grandes vacances 1974 ]
Plaisir de Lire . - 19/12/2019
Les Arrivants . .----. Dans un bourg du bocage vendéen, deux tendances s'affrontent en prévision des élections municipales . On est au début du siècle, et, au châtelain catholique et traditionaliste s'oppose le maire sortant, radical .
Bataille classique à cette époque et qui prend ainsi un intérêt tout particulier : l'analyse nuancée des situations, des caractères, des idées, des réactions des uns et des autres lui donne valeur d'exemple pour qui veut comprendre l'évolution sociale et politique des campagnes avant 1914 .
Comme dans toutes les régions de France, le maire radical est soutenu, aidé, encouragé par la préfecture . Il est inspiré et guidé par l'instituteur . Le châtelain, son adversaire, est, lui, conseillé et appuyé par trois personnages dont il ne partage d'ailleurs pas complètement la manière de voir : sa fille, le curé du village et un jeune avocat descendant d'une vieille famille paysanne .
La description de la lutte politique se double du récit de la discrète intrigue sentimentale qui se noue entre ces deux jeunes gens, et dont le prêtre est le confident . Des sentiments délicats et de profondes convictions religieuses animent ses protégés .
Du Comte à la plus pauvre des paysannes, les différents habitants du village sont dépeints avec beaucoup de sympathie et de vérité . Les personnages sont attachants, leurs attitudes familières, leurs travaux journaliers évoqués avec justesse .
Ce livre plaira à ceux qu'intéresse la vie des campagnes .
Ce qui est spécifique ici, c'est que l'auteur campe une situation avec talent comme beaucoup d'autres écrivains que nous aimons, mais il est capable d'en voir les avantages et les faiblesses et de résoudre les problèmes en montrant les solutions positives .
Nous avons retrouvé par hasard cet auteur français ami d'Henri Pourrat, de J. Copeau . Ce livre devrait figurer dans toutes les bibliothèques familiales et servir de base à toutes les tables ronde sur les problèmes de la civilisation paysanne .
NOTA : "Les Démarqués" et "Les Arrivants" ont été réédités en un seul gros volume qui est d'une présentation soignée et peut être un excellent cadeau . Contemporain de Henry Pourrat, J. Yole est le grand écrivain catholique de la Vendée . Il est beaucoup trop oublié de nos jours et semble - hélas - inconnu des jeunes .
Lecteurs sérieux à partir de 17 ans . [ Note rédigée à partir de l'édition en 1972 de ce seul texte aux éditions du Cercle d'Or - " Plaisir de Lire " , numéro 27 , grandes vacances 1974 ]
Plaisir de Lire . - 19/12/2019