Un exercice de compréhension critique. .----. L'ouvrage, écrit dans un style sobre et dépourvu de tout jargon,
n’appelle pas de clarification préalable.
L’auteur explicite le sens de
son investigation et propose une
précieuse mise en perspective critique
de la pensée de Bonald en
avant-propos.
L’enjeu de cette étude n’est ni
une apologie ni une réfutation de
Bonald mais plutôt un exercice de
compréhension critique. Sans passer
sous silence les faiblesses spécutives ou littéraires de Louis de Bonald,
sans se montrer complaisant
envers ses prises de position, l’auteur
s’attache à rendre justice à
l’homme de conviction et à son effort
pour comprendre un temps qui
lui échappait. Sympathie incrédule,
car Robert Spaemann valorise les
plus philosophiques des intuitions
de Bonald, examine les plus pertinentes
de ses thèses, sans faire semblant
de croire un seul instant au
réalisme de l’idée bonaldienne de
«société constituée». ( suite ... )
Réseau Regain. - 17/04/2017
Lamennais ou Maurras ont pu se réclamer de lui ! .----. Le caractère dialectique de son
œuvre est particulièrement illustré
par le fait que des hommes aussi
différents que l’abbé Lamennais ou
Charles Maurras aient pu se réclamer
de lui, le premier au nom d’un
déisme renonçant au catholicisme
par choix du ralliement à la république,
le second au nom d’un catholicisme
athée. La pensée de Bonald
porte en effet des germes
hétérogènes, à l’image de la tension
entre sa foi religieuse authentique et
la fonction sociale que sa théorie
attribue à la religion. .. ********.. .
L’auteur entraîne son lecteur
dans une stimulante série de paradoxes
qu’il situe sur deux plans distincts:
celui de la stratégie
consciente de Louis de Bonald, qui
consiste à prendre les philosophes
des Lumières au piège de leur
propre logique; et celui de la répétition de ce retournement dialectique
au niveau du système bonaldien
lui-même. .. ******** ..
C’est en voulant établir de manière
systématique les fondements
d’une monarchie de droit divin et la
présence de Dieu au cœur de la société
que Bonald esquisse le geste
sociologique et propose une théorie
de la société qu’on pourrait tenir
pour purement fonctionnaliste (cf.
infra). .. ******** .. .
À travers l’étude de la pensée bonaldienne,
l’auteur propose des motifs
d’interrogation philosophique
qui pourraient être développés pour
eux-mêmes et trouvent de nos jours
une actualité renouvelée, en philosophie
politique. Prenons par
exemple la question des médiations
en politique: quel est l’atome politique,
le destinataire effectif de la
législation et du gouvernement? Est-ce
l’individu ou la famille, qui fournit
la première et indispensable
structure de socialisation lui permettant
de dépasser ses passions?
Poser un tel problème engage une
réflexion sur la nature humaine et
son expression individuelle ou collective. [ suite ... ]
Réseau Regain . - 17/04/2017
Un moderne qui s'ignore ! .----. Louis de Bonald considéré
comme le penseur de la Réaction
est en fait un moderne qui s’ignore,
déclare l’auteur. Son projet intellectuel
a consisté à subvertir la pensée
et les concepts des Lumières pour
construire un système qui refonde
rationnellement la légitimité monarchique
en reprenant à son
compte toutes les grandes idées de
la modernité politique tout en les
réinterprétant dans un sens opposé à
celui de la Révolution. La pensée
bonaldienne dévoile le caractère
élastique des concepts modernes.
L’auteur montre comment les efforts
du vicomte de Bonald pour refonder
une philosophie sociale l’amènent
finalement à faire de la théorie de la
société une forme de prima philosophia
tellement englobante qu’elle
en vient à prendre la place de la
métaphysique. Père de la sociologie,
Louis de Bonald annonce Comte et
Maurras mais également Lamennais.
Entrons plus en avant.
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Inquiétér la doxa de la modernité ! .----. La société est-elle la simple réunion atomistique d’individus à
quoi pourraient se comparer des
abeilles indépendantes de la ruche?
Ou est-elle une unité primitive ?
« L’homme, répondait Bonald,
n’existe que pour la société, et la
société ne le forme que pour elle; il
doit donc employer au service de la
société tout ce qu’il a reçu de la nature
et tout ce qu’il a reçu de la société,
tout ce qu’il est et tout ce
qu’il a.» En somme, face à la philosophie
du Moi, de l’homme individuel,
son ambition consistait à
dresser la philosophie de l’homme
social, la philosophie du Nous. Car
ce n’est pas une petite chose que la
société. Et ce n’est pas rien de la définir comme «l’ordre éternel appliqué
dans le temps à la conservation
morale et physique du genre humain».
Dès lors s’élucide le «totalitarisme»
tant rebattu de Bonald,
lequel renvoie tout bonnement à la
subordination de tous les êtres sous
les conditions de leur conservation.
Si l’essence de l’homme, en effet,
se trouve dans l’activité de conservation
de soi, il en découle, pour la
société définie par ce même impératif, une nécessaire totalité. Robert
Spaemann rappelle que la critique
bonaldienne de la Révolution a eu
cette innovatrice particularité d’offrir
une théorie rigoureusement
fonctionnaliste de la société qui revendiquait
un statut holistique.
Reste qu’en identifiant la raison non
à la faculté subjective, mais à la faculté
réalisée, à «l’esprit éclairé par
la vérité» (et qui a besoin, pour percevoir
ses contenus et se percevoir
elle-même, de la médiation de la
société et du langage), en proposant
comme critère de la vérité son utilité
pour la société, en regardant la
connaissance comme moyen de
1’autoconservation sociale de
l’homme (à la différence des anciens
qui en faisaient le but), une
telle théorie se contentait-elle de
substituer la sociologie à la métaphysique?
Et ainsi ne s’aventurait-elle
pas, finalement, aux frontières
du positivisme? .. ******** .. .
Bonald est donc plus sociologue
que philosophe. Or, par la fonctionnalisation
sociale de l’idée de
Dieu, lovée au centre de sa justification
philosophique du christianisme,
il s’avançait sur une route
qu’allait baliser, plus tard, l’agnosticisme
comtien.Le lecteur philosophe sera tour à
tour stimulé par l’acuité du questionnement,
étonné ou amusé par la
hardiesse des paradoxes, séduit par
l’originalité du point de vue proposé:
les thèses de Bonald donnent
envie de relire Hobbes, Rousseau,
Montesquieu ou encore Hegel avec
un regard neuf. Oser ouvrir cet ouvrage
et ensuite ces ouvrages, c’est
accepter d’abord d’inquiéter la doxa
de la modernité et de reprendre
avec sérieux des questions dont on
préférait penser qu’elles ne se posaient
plus. [ Les Notes de lectures de Georges Leroy - septembre 2009 ]
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