N°146 Avril 1989 - André Galabru, La Contre-Encyclopédie, J Vaquié

Editorial (extrait) par Jean-Baptiste Geffroy
Les intellectuels à la dérive.
Rien ne va plus dans le landerneau intellectuel, secoué depuis quelque temps par d'angoissantes réflexions sur ce morne aujourd'hui qui apparaît comme le tombeau de la pensée moderne. Les récentes confessions de trois gourous de la caste confirment la réalité de certains symptômes de dépression : du vague à l'âme de Thierry Pfister, un déçu de la "génération Mitterand", au triste inventaire de Jean-Marie Domenach, transformé en syndic de faillite du parti intellectuel, en passant par Jean-François Revel qui découvre en 1988 que nos sociétés occidentales sont minées par le mensonge institutionnel, la désinformation et la falsification idéologique. Il semble que tous les mythes qui ont fondé la un temps la suprématie de la gauche intellectuelle s'effondrent sous le regard désabusé de quelques uns de leurs plus illustres mandarins.
On ricane (un peu jaune tout de même) sur les débris de l'ancienne splendeur, réduite à l'affligeant rabâchage sur l'ouverture et à quelques clichés sur les valeurs quatre-vingt-neuviennes sur fond de grand'messe à la gloire du sphynx de l'Elysée. Le constat est sévère : un rétrécissement prodigieux des idées tant à gauche dont l'idéologie s'est fracassée contre des réalités qu'elle avait superbement ignorées, qu'à droite où le lyrisme fadasse du discours technocratique croit exprimer une sagesse politique. Le libéralisme et le socialisme achèvent ainsi leur affrontement complice sur le réduit doctrinal d'une vision fétichiste et simpliste des droits de l'homme. De Bernard-Henri Lévy à Claude Malhuret, d'Harlem Désir à Stoléru, de Benamou à Séguin, de Lang à Léotard, on célèbre à grands frais et dans une touchante unanimité le nouvel évangile antiraciste, juvéniste et libertaire.