Une réalité dramatique ! .----. Ce livre décrit le déroulement d'une réalité dramatique, entrecoupée de réminiscences éparpillées, de souvenirs resurgis et revécus. La réalité d'une mère éperdument attachée au moins aimant de ses fils, d'un fils ayant son père en détestation (un père-lâche sanctifié en héros par son assassinat), d'une épouse tard convertie aux intentions ambitieuses, ébranlées, chancelantes et vaines de son mari. Le va-et-vient d'un montage savant parcourt Oran au microscope, serpente de place en place, de ravin en collines, de la Calère à la Croix sacrée. Le Paris chic aussi, celui de "bourges bien-pensants-mal-disants " et des Science-Po infatués.
Les parlers sonnent étrangement, du Cervantès dévalué au français ampoulé des bons becs. Les idéologies, les fanatismes, les calculs de carrière se mêlent, s'emmêlent, se superposent, se confondent : le communiste redouble de férocité, le FLN de cruauté, l'OAS de puissance avortée. C'est haletant, suspendu, hitchcockien.
Les temps forts, et ils ne manquent pas, s'attardent sur le héros, qui " a voulu être quelqu'un au lieu d'être lui-même " et qui y est parvenu, connu et reconnu des gaullistes et des communistes, des curés et des terroristes, des élus musulmans profrançais et des Français pro-FLN, au risque de se perdre, d'être un collaborateur éclairé ou un falso (en restant poli), de devenir le jouet manipulé par les uns et par les autres, pour des causes antagonistes. Des contradictions sont dénoncées au passage, celle des partisans de l'empire de Dunkerque à Tombouctou et tenants du nationalisme quasi intégral, celle des apôtres du village planétaire et suppôts du nationalisme libérateur des peuples opprimés. Des scènes savoureuses sont évoquées aux instants de bonheur, les déjeuners sur l'herbe (sèche), la mouna que " des meilleures y'en a pas ", ce poisson aplati qu'on désigne sous le nom de tapaculo, ou " la Marseillaise " interprétée par un ensemble de raïtas. Des scènes d'horreur qui dénoncent aux " abattoirs " la collusion entre les agents du FLN, les gendarmes mobiles, les communistes ultra-rouges (dont un instituteur et un médecin qui auraient pu figurer dans les camps staliniens, hitlériens ou polpotistes), des officiers " loyalistes ", des barbouzes de rencontre, des auxiliaires de police fraîchement recrutés et des tueuses hystériques.
Inutile de le raconter ici, on sait comment tout cela va finir : MAL. Sinon, que signifierait en couverture ce Penseur dénudé, désespéré de la vanité de tous les engagements, cet enfer aux portes closes. Lo peor es siempre cierta. [ Signé Yves Sarthe dans " L'Algérianiste " , numéro 166 - juin 2019 . Trimestriel copieux vendu 9 euros port compris à l'adresse : 1 rue Général Derroja , 66 000 Perpignan - secretariat@cerclealgerianiste.fr ]
L'Algérianiste . - 13/08/2019