Se lit d’une traite ! .----. Ce documentaire sur l’itinéraire d’un professeur d’histoire en banlieue se lit d’une traite. Journal de bord sans prétention littéraire, il nous livre une photographie plus vraie que nature de l’Éducation Nationale et de ses élèves, et de la difficulté (le mot est faible !) qu’il y a à leur enseigner l’histoire et la culture d’un pays auquel ils n’ont aucune attache, ne reconnaissant que l’Islam. Pourtant l’auteur, animé de foi et d’espérance chrétiennes après une conversion radicale, ne baisse pas les bras et délivre avec énergie et vérité son cours. Un exemple intéressant de catholique soucieux de reconquérir, dans une bataille difficile, certaine place professionnelle désertée. [ Famille d’abord, n° 22, juillet 2013 ]
Famille d’abord - 10/02/2019
Se colleter à la réalité ! .----. Les « quartiers », comme il convient aujourd’hui d’appeler ces banlieues où le chômage et la délinquance sont démultipliés, suscitent un mélange de crainte (« Tous racailles ! »), de bons sentiments (« Tous victimes ! ») et de fascination (« Quelle jeunesse, quelle énergie ! »). Les magazines y envoient des reporters pour raconter les dealers, les portes fracturées, les pitbulls et les viols dans les caves. C’est pour se débarrasser des clichés et se colleter à la réalité que Jean-François Chemain a choisi de jeter aux orties son costume de consultant. Jusqu’ici, il avait marché dans les clous : études de droit, Sciences-Po Paris, admissibilité à l’ENA, dix ans dans un grand cabinet d’audit anglo-saxon. À 35 ans, il avait créé son propre cabinet de conseil ; cinq ans plus tard il intégrait un grand groupe industriel français. Un jour, il a tout quitté, changé brutalement de vie, réussi l’agrégation et choisi d’enseigner l’histoire de France à la jeunesse difficile des zones d’éducation prioritaire (ZEP).
De son expérience il a tiré un ouvrage très personnel (où le témoignage et l’expérience vécue l’emportent volontairement sur l’analyse), qui révèle cependant l’importance que peut jouer l’enseignement de l’histoire de France auprès de populations qui se sentent délaissées. Il le reconnaît sans détour, dans ce type de collège, être prof d’histoire n’est pas une sinécure. « Ce n’est pas ce qui intéresse naturellement les élèves. La plupart sont d’origine étrangère : ce n’est donc pas du tout leur histoire qu’on enseigne. Très souvent lorsque je leur annonce que l’on va étudier la géographie de la France, s’élève un chœur de “On préfère la géo de l’Afrique du Nord !” » Pour que ses élèves « kiffent » la France, Chemain se met donc dans les pas de Michelet. L’historien disait : « L’Angleterre est un empire, l’Allemagne est une race, la France est une personne »… « Une personne que l’on peut rencontrer, toucher, sentir, voir, aimer, poursuit Jean-François Chemain. Aujourd’hui, on a fait de la France une idée, un concept. La France, c’est 1789, les droits de l’homme, la liberté, la laïcité. Et tous ces jeunes peuvent avoir toutes les origines, toutes les histoires que vous voulez, on leur demande seulement d’adhérer à ces concepts. Alors la France, finalement, ils s’en moquent, ils ne la connaissent pas. Ils la perçoivent même, plus ou moins consciemment, comme l’ennemi. » Ils le font d’autant plus qu’un antiroman national est enseigné, selon lui, aux élèves par les programmes et les manuels. « Ces programmes, ces manuels veulent faire valoir des droits d’une France plurielle. La méthode est victimaire. Elle consiste à dire aux descendants d’esclaves et aux enfants d’immigrés que la France leur doit des comptes. La part de l’histoire de France est réduite à une peau de chagrin et elle est souvent culpabilisante. Comment faire aimer à ces jeunes leur pays en le dénigrant- sans cesse ? » Et Chemain de déplorer que les grands hommes soient oubliés ou relégués en fin d’année : « Charlemagne est en toute fin du programme de sixième : impossible à étudier quand on a passé 40% de son temps à faire de la discipline… De même Louis XIV, qui était auparavant étudié en début de quatrième, se trouve maintenant à la fin du programme de cinquième : impossible de lui consacrer une leçon. Quant à Napoléon, il est complètement vidé de sa substance. On ne vibre plus au récit de ses batailles : maintenant Napoléon, c’est le Code civil et un État policier… » Chemain assure pourtant que la seule évocation de l’épopée impériale captive ses élèves autant qu’un diagramme sur la mondialisation les endort. Napoléon Bonaparte ? Respect !
[ Signé : A.P. dans Le Figaro Histoire, n°4, octobre-novembre 2012 ]
Le Figaro Histoire - 10/02/2019