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Beccaria, Voltaire et Napoléon ou l´étrange humanisme pénal des Lumières (1760-1810)

Référence : 95319
4 avis
Date de parution : 12 avril 2018
Auteur : MARTIN (Xavier)
EAN 13 : 9782856523971
Nb de pages : 304
26.00
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Description
Perspective ordinaire, quant à l'évolution de notre droit pénal : la législation révolutionnaire se serait prévalue de l'humanisme de Voltaire et de celui de Beccaria, le grand rénovateur de ce secteur du droit ; tout à l'inverse, les codes "criminels" napoléoniens (1808, 1810), par réaction "sécuritaire", auraient misé exclusivement sur la rigueur.
Ce schéma est sujet à caution. Une prise en compte de la vision alors en vogue sur l'être humain relativise sensiblement un tel contraste : de Voltaire lui-même à Napoléon, sans en excepter la Révolution, elle indique surtout une continuité utilitariste, dont le battement des circonstances tout simplement, plus que des sautes dans les principes inspirateurs, relativise l'ondulation.
Force est d'y constater que l'idéal d'humanité, quoique omniprésent dans la rhétorique, est dès l'origine et continûment assez illusoire en réalité dans les esprits et dans les faits : s'il faut tout dire, il n'est guère plus que le faux nez d'une intention essentiellement utilitaire.
Notre investigation a donc ses imprévus. L'image convenue de l'esprit des Lumières, de la Révolution, et du positionnement de la phase impériale par rapport à tous deux, pourrait bien s'en trouver, comme à d'autres égards, quelque peu altérée. 
Xavier Martin, Professeur émérite d'histoire du droit à l'Université d'Angers, a donné une douzaine d'ouvrages sur les implications d'une approche réductrice de l'humain dans l'esprit des Lumières, sous la Révolution, et durant la séquence napoléonienne.
TitreBeccaria, Voltaire et Napoléon ou l´étrange humanisme pénal des Lumières (1760-1810)
Auteur MARTIN (Xavier)
ÉditeurDMM (DOMINIQUE MARTIN MORIN EDITIONS)
Date de parution12 avril 2018
Nb de pages304
EAN 139782856523971
PrésentationBroché
Épaisseur (en mm)16
Largeur (en mm)150
Hauteur (en mm)225
Poids (en Kg)0.43
Biographie
Xavier MARTIN (1945 - )
Xavier MARTIN (1945 - ) Né en 1945, père de onze enfants, professeur émérite à la Faculté de droit d'Angers, Xavier MARTIN a enseigné l'histoire des idées politiques et la philosophie du droit. Son aventure a commencé en dépouillant les quinze volumes de discussions et discours relatifs à l'élaboration du Code civil de 1804, il a été effaré d'y découvrir quelles conceptions les grands penseurs révolutionnaires, les Lumières, avaient de l'homme. Il a consacré ses travaux à approfondir ce surprenant constat, qui va à l'encontre de tout ce que l'histoire officielle enseigne... Il nous a fait l'immense honneur d'être présent à nos Journées Chouannes 2010 et d'y faire une conférence sur son dernier livre : Retour sur un itinéraire (vous pouvez la lire dans le Chouan d'honneur, proposé sur ce site). Que ne soient pas vaines ces longues heures de recherche passées à sortir des ténèbres LA vérité historique, lisons ses ouvrages et qu'ils circulent ! C'est une œuvre de salubrité publique ! Voir plus
Critique du libraire
" La véritable pensée de ce que l'on appelle de manière entendue les « Lumières » et de leurs conséquences pratiques, notamment dans le cadre de la Révolution française. "
Les avis clients
Pas de fracture, une continuité !
5/5 L'homme nouveau .
.----. Avec une constance en tout point admirable, le professeur Xavier Martin poursuit inlassablement l’exposition de la véritable pensée de ce que l’on appelle de manière entendue les « Lumières » et de leurs conséquences pratiques, notamment dans le cadre de la Révolution française. En 1995, il publiait ainsi Sur les droits de l’homme et la Vendée, coup d’envoi d’un véritable renouveau dans l’étude de ces thématiques. Son magistrale Nature humaine et Révolution française exposait ensuite, avec une précision clinique et un recours constant aux citations, l’anthropologie révolutionnaire et sa mise en œuvre dans l’appareil juridique de la Révolution, jusque et y compris dans le fameux Code Napoléon. Pierre angulaire de cette nouvelle approche, à la fois méthode et exigence intellectuelle, ce livre a connu à ce jour trois éditions et a été traduit en anglais. La suite ? Fidèle à sa méthode, le professeur Martin a en quelque sorte exploré thématiquement les effets de cette anthropologie nouvelle dans des secteurs ou des catégories variés : la femme, la justice, le monde médical, la race, le peuple, l’esclavage… sans s’interdire de s’arrêter à l’une des grandes figures de ce monde : Voltaire. Il apporte aujourd’hui une nouvelle pierre à son édifice scientifique, avec la publication chez DMM de Beccaria, Voltaire et Napoléon. Retour à l’étude de figures historiques plutôt que d’un thème particulier ? Pas exactement ! Dans la ligne de mire du professeur Martin se trouve en effet une autre idée reçue, qui touchera peut-être plus exactement les pénalistes mais dont nous subissons tous les conséquences. La Révolution française aurait dans sa législation hérité de l’humanisme de Voltaire et de l’Italien Cesare Beccaria avant que l’œuvre napoléonienne en matière criminelle ne donne un sérieux coup de frein à cet idéal et mette en application une réaction sécuritaire et inhumaine. Certains penseront qu’il s’agit d’un débat pour érudits ou, en tous les cas, pour des fervents du droit. La traduction de cette vision se trouve pourtant dans nos romans, nos journaux, dans les films et les séries télévisées. La Révolution française y est présentée comme émancipatrice de l’homme, comme un moment libérateur avant que le militarisme ne reprenne ses droits et conduise directement les condamnés au bagne et à l’exploitation économique, donnant ainsi raison à Hobbes (« l’homme est un loup pour l’homme ») et expliquant Marx. Une tentative de réaction, propre à certains milieux de droite, aurait été de tenter de dédouaner Napoléon de cette accusation facile. Dès lors que l’on reprend les textes et que l’on travaille à percevoir le fil exact de l’évolution des idées et des êtres, force est de constater que la réalité se trouve ailleurs. Comme le montre en détail ce livre, de Voltaire à Napoléon, en passant bien évidemment par la Révolution française, une même conception de l’homme est à l’œuvre. À ce sujet, Xavier Martin met principalement en avant deux aspects : •cette conception, dans le droit fil des Lumières, est mécaniste et utilitaire. L’homme, au fond, est une machine dont il s’agit d’obtenir le meilleur usage ; •la rhétorique, différente selon les moments et les personnes, défend constamment un idéal d’humanité sans y adhérer vraiment. Derrière ce que Xavier Martin qualifie d’« étrange humanisme pénal » se profile en fait une vision qui tient beaucoup philosophiquement à Hobbes : « l’état de nature façon Beccaria (que de grandes plumes, à cet égard, disent rousseauiste !) est purement “hobbesien” ». L’influence est d’ailleurs plus étendue, selon le professeur Martin : « Quoi qu’on tende à croire assez couramment, la logique “hobesienne”, faut-il le rappeler est bien attestée en tant que présente respectablement chez nos “philosophes” des Lumières françaises : dans la panoplie de nombre d’entre eux elle pèse assez lourd. » Avec cette vision négative (c’est le moins que l’on puisse dire), on rompt directement avec l’héritage gréco-latin, de la société fondée sur l’amitié politique en vue du bien commun, lequel est repoussé dans les méandres des ténèbres au profit d’un mal à éviter. Difficile de penser que nous ne sommes pas tous concernés. Une fois de plus, en explorant cet « humanisme à l’envers », Xavier Martin dévoile un peu plus la réalité des Lumières, de la Révolution française et de son prolongement impérial. [ Rédigé par Philippe Maxence le 25 mai 2018 pour " L'homme nouveau " ]
D'une logique implacable
5/5 Revue historique de droit français et étranger
L’annonce d’un nouveau livre du professeur Xavier Martin est toujours source de joie et promesse de bonheurs. Nous savons, avant même d’ouvrir la belle couverture claire des éditions Dominique Martin Morin, que nos idées reçues, nos raccourcis confortables, nos clichés chéris vont se trouver chahutés, contredits et finalement balayés par la pertinence d’une science toujours rigoureuse et l’impertinence d’une plume toujours inspirée. Il faut bien comprendre le plaisir singulier que nous trouvons à la lecture de cet auteur. Pourquoi cette jouissance à voir mis à mal la plupart de nos convictions ? Le professeur Xavier Martin ne conduit jamais gratuitement le contre-courant ou le paradoxe. Si toujours, au fil de sa lecture, nous voyons nos certitudes progressivement s’effacer, concomitamment, toujours, notre esprit critique, avec lui, s’étire et grandit. Nous découvrons des sources inédites ou mal comprises. Le travail des textes accoté à une culture encyclopédique et à une puissante intelligence explique la stimulante excitation qui nous conduit à abandonner nos assurances et à nous livrer, au seuil du monument, à ce guide dont la visite, nous le savons, nous surprendra, nous séduira et nous convaincra. L’ouvrage développe le texte d’une communication donnée en la Grand’Chambre de la Cour de cassation le 25 novembre 2010 lors du colloque relatif au bicentenaire du Code pénal (ou « criminel ») français de 1810. Un état intermédiaire est paru dans cette Revue (juillet-septembre 2011, p. 377-405) sous le titre : « De Beccaria et Voltaire aux Codes criminels de 1808 et 1810 : la continuité anthropologique ». La conviction ici mise à mal par le professeur Xavier Martin consiste en la perspective donnée à l’évolution de notre droit pénal qui, pour la période révolutionnaire, se serait prévalue de l’humanisme de Voltaire et de Beccaria. Tout à l’inverse, les codes « criminels » napoléoniens (1808-1810) auraient, par réaction « sécuritaire », misé exclusivement sur la rigueur. Pour remettre ce schéma en question, le monument se répartit en six chapitres (Beccaria, les Lumières ; Préférences pénales de la Constituante ; De l’après Robespierre à Napoléon ; Humanisme et « terreur salutaire » ; L’« humanisme », faux nez de l’utilitarisme ; Voir ces gens comme ils sont) dont la suite est autant chronologique que simplement logique. L’auteur commence par établir que la vue sur l’homme des Lumières françaises est réductrice et a propension à réifier l’homme (Beccaria, les Lumières ; Préférences pénales de la Constituante). L’optimisme superficiel qui estompe cette réduction et cette réification s’efface sous le coup des déceptions révolutionnaires et se transforme en un pessimisme résolu (De l’après Robespierre à Napoléon ; Humanisme et « terreur salutaire »). Ce pessimisme encourage à réprimer (L’« humanisme », faux nez de l’utilitarisme ; Voir ces gens comme ils sont). « Beccaria, les Lumières » ouvre sur De l’Esprit d’Helvétius, ouvrage décisif pour la formation de la pensée de Beccaria. Or Helvétius y réduit l’homme à la matière et sa vie intérieure à la chimie des sensations. Le libre arbitre en l’être humain se trouve ici nié. Comme chez Diderot, Holbach ou Montesquieu, la pensée des Lumières affirme que la liberté est une chimère. Voltaire peut conclure que les hommes ne sont que les petites roues de la machine du monde. La Mettrie poursuit en affirmant que, de l’animal à l’homme, la transition n’est pas violente. Beccaria qui participe à cet esprit affirme évidemment que chacun est assujetti à son organisation personnelle, entendez par là, la complexion des nerfs, des fibres et des organes. Un tel système nie qu’on puisse être responsable. Cette explication marque encore en 1800, les travaux préparatoires du Code. La criminalité, comme l’innocence, ne répond qu’à un état d’organes, à une « fatalité d’organisation » (p. 18). Nous ne sommes point responsable de notre organisation. Beccaria le dit quand il affirme que la « seule et véritable mesure des délits » ne découle pas de « l’intention de celui qui les commet », mais « de l’impression actuelle des objets et de la disposition d’esprit qui la précédait ». L’intention se trouve si détachée de la matière que l’auteur continue ainsi : « C’est parfois avec la meilleure intention que les hommes font le plus grand mal à la société et d’autres fois c’est avec la pire malveillance qu’ils lui font le plus grand bien ». Si l’intention ne compte pour rien, punir n’a plus ni sens, ni objet. Dès lors la question pénale s’objective et se voit pour seul but l’utilité sociale. Les frères Verri ont raison de remettre en cause l’originalité de Beccaria qui ne fait qu’exposer la logique objective des Lumières. Une logique de sucroît traduite et diffusée par l’abbé Morellet qui ne se prive pas de modifier, couper, transformer à des fins utilitaires. L’abolitionnisme de Beccaria, quoi qu’il en soit, reste douteux. La peine de mort est pour lui nécessaire en cas de désordre social et quand elle est le seul frein pour détourner les autres de commettre des délits. Critères finalement assez flottants, élastiques et vagues. Un abolitionnisme à la Robespierre ? puisque celui-ci s’opposait aussi à la peine de mort. Xavier Martin se plaît à rappeler les propos des philosophes contemporains aussi ambigus : La Mettrie, Adrien Duport, Boyer d’Argens, Diderot (un raffinement d’utilité « humanitaire ») et Voltaire (qui ne réprouve ni la peine de mort, ni ses cruautés). Partout s’imposent la machine, la mécanique, l’organisation, la détermination, la fatalité et surtout, finalité partout proclamée, l’utilité. Pourtant, la pratique ordinaire de la justice criminelle d’Ancien Régime est bien éloignée de ces caricatures. Le professeur Xavier Martin rappelle ici que la présomption d’innocence, loin d’être une conquête de 1789, est un principe de l’ancien droit. Le chapitre « Préférences pénales de la Constituante » poursuit et insiste sur la vision réductrice de l’humain au siècle dit des Lumières. Bergasse, Pastoret puisent dans Beccaria cette fascination de la machine humaine ou sociale. « L’humanisme » vacille quelque peu dans les programmes établis par la Constituante saturés d’utilitarisme et d’efficacité. Rien ne doit être perdu et tout peut faire exemple. Ainsi l’appareil de Le Peletier de Saint-Fargeau et sa tristement célèbre ostension mensuelle. Il faut impressionner et, plus précisément, être sensationnel. Là encore, le souci de la sensation s’impose. Le mécanisme s’affirme sous son double rapport d’automatisme (peines évidemment nécessaires) et d’ajustement (peines strictement nécessaires) que reprendra l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. De l’ajustement découle aussi la peine strictement personnelle et l’extinction de l’abusive confiscation de tous les biens du condamné. Le droit, s’il était sain, serait un jeu d’enfant, et, pour répondre à cette simplicité, tiendrait tout entier sur une seule « page de papier » selon le mot de Florent-Guiot à la Convention, le 24 octobre 1793. Dans la pulsion réformatrice du droit pénal, de l’établissement du jury, se marque encore le recours à l’intime conviction. Les traductions de ces institutions proposées par Xavier Martin font mouche. Si le jury symbolise les spontanéités de la forêt primaire, la promotion de la conviction intime donne préséance à l’instinct. L’intime conviction, déclare Duport, « respire fortement la nature et l’instinct ». Méritante sans doute quant à l’équité, l’intime conviction suscite néanmoins des inquiétudes légitimes et tout particulièrement lorsque celle-ci s’approche, voire se confond, avec l’impression. Voisinage d’autant plus déconcertant qu’attend, au bout du processus de décision, la guillotine (encore la machine...), procédé sobre, efficace, fulgurant, suscitant sur le cou une agréable sensation de fraîcheur. Le Dr Guillotin marque, lui aussi, son appétence pour la sensation. Lors de la présentation de la machine qui fait sauter la tête d’un clin d’oeil, l’Assemblée, rapporte Le Moniteur, est « un peu égayée ». Les constituants, aux jours de l’an II, eurent-ils, lors de l’instant fatal, le souvenir de leur réaction enjouée ? L’abolition du droit de grâce, le 4 juin 1791, relève encore de la logique mécaniciste. Ce droit qui interfère dans la destinée personnelle des hommes apparaît, dans ce contexte mécanique, définitivement incongru. Dans le chapitre : « De l’après Robespierre à Napoléon » l’expérience impose son amère réalité : la machine à tuer est devenue machine de gouvernement. Des citoyens sécables... dans une République indivisible (paradoxe poignant !). La mort instantanée, sans formalité, est-elle un droit de l’homme original ? Maine de Biran remarque : « On ne torturait autrefois que pour des crimes très graves, aujourd’hui nous guillotinons pour quelques paroles échappées imprudemment ». La « sensation de fraîcheur » se trouve, d’autre part, remise en cause très scientifiquement. L’intensité horrible de la souffrance est démontrée par des médecins allemands puis français (Sue, Cabanis) qui n’hésitent pas à conclure que ce supplice douloureux et cruel déshonore l’humanité. L’exemple est incongru mais les longes de veau, après la mort, palpitent encore au bout de deux heures. Cette interférence inopinée des longes de veau porte cependant loin et fort : la thèse de l’homme-animal, machine de chair selon Diderot, permet enfin de discréditer la guillotine et peut être aussi la peine de mort. Les points de vue changent. Les jurés montent sur la sellette. Ils apparaissent soudain perméables aux pressions locales, ignorants du droit, trop sensibles. Le dossier de la question intentionnelle est ici reprise, commentée et finement analysée à partir de divers exemples par le professeur Xavier Martin. La question qui illustre à merveille la difficulté d’instaurer dans les faits la justice mécanique et fluide ambitionnée par la Constituante est distribuée en diverses sous parties : les bonnes intentions des frères Robespierre, la pureté d’intentions du citoyen Turreau, les intentions du citoyen Carrier, du citoyen Fouquier-Tinville et le cafouillis « intentionnel » du citoyen Gracchus Babeuf. Après la question d’intention qui doit faire place aux « juges éclairés », aux « juges courageux », se pose finalement la généreuse bestialisation de l’homme criminel défendue par Target. Dans : « Humanisme et “terreur salutaire” », les instructions de Bonaparte s’imposent, radicales et explicites. Il convient de donner des exemples terribles, des remèdes de choc : exécutions, incendies, pillages, représailles, fusillades. Le général républicain promet mort et carnage. Le terrible souvenir de Binasco, village supplicié, doit marquer toutes les consciences. Lannes, particulièrement, n’oubliera pas. De fait, des Binasco se reproduisent au Proche-Orient. Si le droit de grâce revient en août 1802, Bonaparte, bientôt empereur, le change en « acte de clémence » dont l’esprit ne reflète pas celui de la grâce. La flétrissure, remise en usage pour les crimes de faux, incendies ou récidives, réduit bien l’homme à du bétail. Le chapitre « L’“humanisme”, faux nez de l’utilitarisme » suit le fil conducteur utilitariste. Efficacité et exemplarité deviennent les clés indispensables pour comprendre la période. Il est assez commun de considérer que 1791 reflète l’humanisme de Cesare Beccaria et 1810 l’utilitarisme de Jeremy Bentham que Bonaparte illustre. Pourtant ce type d’« évidences » ne résiste guère à l’observation. Le contraste entre Beccaria et 1810 reste superficiel. Beccaria se réclame d’Helvétius et Bentham de Beccaria. Le Code des constituants était conçu pour une société mécaniquement heureuse et, au surplus, mieux contrôlée, accidentellement criminogène. L’éruption de la délinquance et du banditisme rend utiles donc nécessaires cruautés, supplices et massacres. Le compassionnel, la pitié de la Constituante, la philanthropie si ostentatoire peuvent être cruels. Pour Napoléon, le sac de Binasco martyrisé est une terreur salutaire, un acte d’humanité et de clémence. À son frère Louis qui, en sa terre de Hollande, a suspendu toute exécution de sentence de mort, l’empereur reproche une manie d’humanité déplacée. De fait, l’humanité du droit royal à son couchant, l’humanité de Beccaria et des philosophes, l’humanité des constituants sont bien toutes relatives et cèdent volontiers devant des procédés d’inhumanité caractérisée. Bastonnades, gourdins, triques s’accommodent fort bien de l’esprit des Lumières. Le dernier chapitre, « Voir ces gens comme ils sont », insiste sur la primauté de la vue réductrice de l’humain. Beccaria, comme tout grand réformateur, a ses « menus travers ». Sa jalousie, son égoïsme sont mis en rapport par les frères Verri avec son engouement pour l’oeuvre d’Helvétius. La philosophie des sensations donne finalement une parfaite cohérence intellectuelle à la démonstration du professeur Xavier Martin. Elle aboutit à un rapprochement inattendu entre Voltaire et Bonaparte. Inattendu mais fécond et édifiant. Sous cette lumière nouvelle (au singulier cette fois) s’éclairent la résurgence de l’esclavage, les carnages militaires, la prise de Jaffa tenue par les Turcs en l’an VII, les simagrées religieuses destinées en Égypte à flatter l’islam, le mépris des Juifs et, entre autres, la maîtrise policière du vagabondage. Oui, une empathie diffuse s’établit bel et bien, à trente ans d’écart, entre Voltaire et Bonaparte. Target le comprend parfaitement et n’hésite pas à mettre en oeuvre cette communauté d’esprit pour le meilleur et surtout le pire. Le professeur Xavier Marin ne distille jamais sa science sans l’accompagner d’une pointe d’ironie amusée. Si certains savants évoquent gravement les choses légères, il sait, lui, parler légèrement des choses graves. Ainsi, pour exemple, la mode des journées portes ouvertes trouve plaisamment un contexte inattendu : « (...) Le Peletier pour qui rien, justement, ne doit être perdu pour l’exemple. D’où l’appareil éminemment publicitaire du pilori ou du carcan, puis, en cours de peine, est-il proposé, dans la cellule même, ouverte au public à titre gracieux, l’ostention mensuelle de l’incarcéré : “Un jour, chaque mois, la porte du cachot sera ouverte. Le condamné sera exposé dans son cachot avec ses chaînes, aux yeux du public, en présence du geôlier”, attendrissante amorce, en milieu spécialement hermétique, du concept aéré de journées portes ouvertes » (p. 57). Il convient, dans le même ordre d’idée, de relever aussi l’utilisation du oui placé en réponse à l’incrédulité du lecteur surpris ou déconcerté : « Dans un recoin plus que discret de l’Encyclopédie, apportant son grain de sel à la notice "Anatomie", qui n’est pas de lui, notre philosophe [Diderot], en termes placides, pour faire avancer la science, prône la dissection – oui, respirons fort – de criminels vifs » (p. 38-39) ou encore : " “Écoutez la voix de la justice et de la raison ; elle nous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homme condamné par d’autres hommes sujets à l’erreur”. Oui, signé : Robespierre" (p. 50) ; « Oui, l’idée d’un droit simple est dans l’air du temps » (p. 62) ; « Oui, des erreurs peuvent être utiles, oui, tout aussi utiles (!) que le sang vendéen à grands flots répandu par Turreau » (p. 188). Les six chapitres suivent donc autant la chronologie que la simple logique, la logique implacable du professeur Xavier Martin qui bouscule les positions, les opinions et altère, oui, avec bonheur toutes les images convenues. <p align="right">Jean-Paul ANDRIEUX Institut d’histoire du droit Université Paris II Panthéon-Assas dans le n° 4 Oct-Déc 2018 <a href= https://www.dalloz-revues.fr/revues/Revue_historique_de_droit_francais_et_etranger-29.htm/ target=_blank>www.dalloz-revues.fr/revues/Revue_historique_de_droit_francais_et_etranger-29.htm</a>
Excellent professeur !
5/5 Les 4 Vérités Hebdo .
.----. L'excellent professeur Xavier Martin, spécialiste des Lumières, continue son enquête sur les sources de notre droit contemporain. Parmi les grands philosophes qui ont beaucoup contribué à réformer le droit pénal, notamment en limitant fortement l'usage de la peine de mort, figure en bonne place l'italien Beccaria, relayé par Voltaire et les encyclopédistes. Mais Xavier Martin montre que, d'une part, cette image d'Epinal est assez fausse (les philosophes des Lumières n'hésitant pas à réclamer la peine de mort contre leurs adversaires). Et, surtout, d'autre part, qu'aucune préoccupation " humaniste " n'inspire cette mansuétude, simplement un refus de croire au libre-arbitre. Un humanisme fort peu humaniste en somme ! [ Numéro 1147 - vendredi 8 juin 2018 de " Les 4 Vérités Hebdo ". Vous pouvez demander un spécimen de la part de " Chiré " à l'adresse : 3 rue de l'Arrivée - 75015 - Paris ]
Entretien avec l'auteur
5/5 Présent n° 9128 du samedi 9 juin 2018
- Les lecteurs de Présent sont familiers de vos travaux sur le XVIIIe siècle ; ils sont accoutumés à lire sous votre plume les noms de Voltaire, de Rousseau, de Diderot et même de Napoléon. Vous faites aujourd'hui place à un nouveau venu, Beccaria. Pourriez-vous nous expliquer qui il est et la raison pour laquelle il a droit de cité dans votre dernier livre ? - Le Milanais Cesare Beccaria est, à l'échelle européenne, le très grand nom, côté Lumières, en matière de doctrine pénale (1764, Des Délits et des Peines). Comment ne pas le fréquenter dès lors que j'acceptais, en 2010, d'intervenir lors du colloque solennellement républicain du bicentenaire du Code pénal napoléonien, organisé par le Sénat et la Cour de cassation ? L'offre m'en intimidait, car je n'avais jamais encore abordé sous cet angle précis ma période familière - disons : 1750-1815. Mais j'y voyais une occasion très stimulante de tester là le type d'approche qui avait fait ses preuves et s'était affiné dans les nombreux autres dossiers inventoriés, à commencer par la question du Code civil, inaugurale dans mon parcours. Quel type d'approche? Le choix, pour fil conducteur, de la vision de l'homme très rétrécie qui sous-tendait les théories réformatrices et la saga législative desdites années. La prise en compte de cette vision malmenait fort, à tous égards, le discours historique obligé sur cette période cruciale. Le nouveau test fut positif, à un degré si décisif qu'après quelques années j'ai rouvert le dossier pour en nourrir ce dernier livre. - Malgré vos efforts, les préjugés demeurent : on croyait les "Lumières" pétries d'humanisme, mais on découvre que cet "humanisme" est obsédé par un prosaïque utilitarisme. Comment l'expliquez-vous ? - Les Lumières réduisent l'homme à l'organique, et sa vie intérieure à la sensation : l"intelligence est simplement du sensitif complexifié. Loin d'être libre, l'homme est une machine, jouet des sensations, et qui à tout instant poursuit un intérêt, qui n'est que de jouissance. Rien d'essentiel ne le distingue des animaux. "L'homme et l'animal ne sont que des machines de chair ou sensibles" : Diderot a tout dit là, qui affirme également : "L'utile circonscrit tout". Disant ainsi, les "philosophes" sont contents d'eux, car en cela ils se croient scientifiques, affranchis de l'obscurantisme religieux. Contrepartie, assez coûteuse : un socle "anthropologique" aussi indigent ne peut servir de base à un humanisme digne de ce nom (ni, sérieusement, à des "droits de l'homme"). Telle est la clé, le "passe-partout" de toute l'affaire. - Cette clé actionne donc la serrure "pénale" ? - Oui, l'expérience est concluante. L'"humanisme" de Beccaria, tellement vanté ? Il laisse pensif. Lui fait-on gloire d'avoir voulu supprimer la peine de mort ? Mais il prévoit des exceptions, en termes vagues, donc extensifs ! N'argumente-t-il pas contre les supplices ? Mais sa dialectique n'est qu'utilitaire ! Et au demeurant, ce qu'il mitonnerait pour remplacer la peine capitale fleure un humanisme assez inquiétant: une "peine d'esclavage perpétuel", "le long et pénible exemple d'un homme (...) transformé en bête de somme". En quoi - le croirait-on ? - il est en assonance frappante avec Voltaire. Celui-ci et Diderot, en leurs jours (clairsemés) d'humeur abolitionniste, déplorent l'exécution... d'hommes jeunes et vigoureux qu'on eût pu enchaîner à l'ouvrage (sous le fouet, dit Voltaire), ou celle de filles saines, qui eussent enfanté ! C'est très sélectif. Dans une page aussi effarante que peu ébruitée de l'Encyclopédie, Diderot suggère que le condamné à mort soit offert vivant au scalpel farfouillant des chercheurs - et puis gracié, à l'occasion, s'il en réchappe... Voltaire confie qu'il eût "condamné sans regrets Ravaillac à être écartelé", etc. Et l'on nous rebat les oreilles avec l'humanisme pénal des Lumières ! À partir de là, tout est à revoir. On nous raconte que la législation révolutionnaire se serait prévalue de l'humanisme de Voltaire et Beccaria (!), et que l'Empire, par réaction "sécuritaire", aurait misé exclusivement sur la rigueur. En réalité, du XVIIIè siècle à Napoléon, sans en excepter la Révolution, est à observer une continuité utilitariste, dont le battement des circonstances tout simplement, plus que des sautes dans les principes inspirateurs, rel ativise l'ondulation. Le bel idéal de l'humanité est dès l'origine et continûment assez illusoire en réalité : il n'est guère plus que le faux nez d'une intention prosaïquement utilitaire. - Peut-on, selon vous, établir une généalogie directe entre l'anthropologie des Lumières et les massacres de la Terreur révolutionnaire ? - On ne le "peut" guère sous les ukases de l'historiquement correct, mais on le peut au regard des sources. Que dire en quelques lignes ? Que le substrat d'un être humain ramené à la bête n'est pas un frein bien efficace à des massacres (y compris, d'ailleurs, sur des champs de bataille... ). Que précisément la fibre utopique de ces décennies, en ce qu'elle implique de bonne intention, aura propension à légitimer, le cas échéant, l'élimination des récalcitrants : n'est-il pas absurde de refuser la félicité qu'on vous imagine et vous aménage ? Et ipso facto, n'est-il pas choquant d'en priver tout le monde, car le bonheur social parfait implique forcément l'unanimité. C'est un peu sommaire, mais telles sont les bases de la dialectique ici sous-jacente. - Malgré vos ouvrages, les Lumières continuent d'être l'objet d'un tabou : on ne saurait les critiquer sans se classer dans le camp du Mal. Comment expliquez-vous la prospérité d'un tel contresens ? - Les Lumières sont glorifiées pour avoir propagé l'idée d'une unité du genre humain, avoir exalté l'homme et sa raison, alors qu'elles ont, pour l'essentiel, fait ardemment l'exact inverse, en discréditant comme obscurantiste le message de la Genèse sur l'homme. Ceux qui réfèrent la doctrine nationale-socialiste à de sulfureuses "anti-Lumières" visent en cela, au XIXè siècle, quelques auteurs qui s'avèrent gorgés, en réalité, d'écrits des Lumières, et y sont fidèles. En l'état de notre esprit public tel qu'il "fonctionne", un tel constat est inconcevable, et inavouable : trop de choses crouleraient, en maints domaines déterminants. J'ai un peu regretté que mon avant-dernier livre, Naissance du sous-homme au coeur des Lumières, qui pousse très loin les analyses à ce sujet, n'ait pas plus pénétré chez les moins vulnérables aux intimidations par la pensée unique. <p align="right">Maxime Valérien <a href= http://www.present.fr/ target=_blank>www.present.fr</a>