"J'ajoute que cette histoire lointaine, ce duel interminable de l'Espagnol contre le More, n'est qu'un épisode de l'éternelle lutte de l'Orient contre l'Occident. À des signes infaillibles, on pressent que cette lutte va reprendre avec un renouveau d'acuité. Ce serait une grave erreur de croire que le rôle mondial de l'Islam est terminé. Il y a treize siècles, profitant d'une baisse de la civilisation dans le monde méditerranéen, de l'affaiblissement irrémédiable et de la désagrégation de l'Empire, de la ruine des institutions et de l'anarchie universelle, l'Islam a pu se propager avec la rapidité d'un incendie et s'étendre, en vainqueur, sur trois continents. Il est à craindre qu'une chance pareille exploitée par des chefs ayant, avec toutes les armes de la civilisation déclinante, toutes les énergies intactes du Barbare, il est à craindre que cette chance ne se représente, pour lui, un jour ou l'autre.
Alors, si l'Occident ne veut pas mourir, il lui faudra, comme l'Espagne du Cid, des Alphonse et des Ferdinand, recommencer la bataille et l'oeuvre harassante de la Reconquête..."
Né en 1866 et mort en 1941, l'écrivain Louis Bertrand, issu de métropole, s'est passionné pour l'Afrique du Nord française et pour l'Espagne. Diplômé de l'ENS, il s'est spécialisé sur Flaubert. Il a été élu à l'Académie française en 1925.